Sidney Poitier est mort le 6 janvier à 94 ans a confirmé le ministre bahaméen Fred Mitchell. Acteur de La Chaîne, Devine qui vient dîner ou Dans la chaleur de la nuit, il fut le premier acteur afro-américain à brandir un Oscar du Meilleur acteur.
Sydney Poitier, d’origine haïtienne, est né à Miami mais a grandi dans le village de Cat Islands, aux Bahamas. Déjà passionné de cinéma à 15 ans, il quitte ses parents pour rejoindre son frère aux Etats-Unis. Son quotidien, ponctué de petits boulots et d’un rapide passage à l’armée, va vite se transformer. Il intègre l’American Negro Theater où il offre ses services de machiniste en échange de cours de comédie qu’il saura mettre à profit.
Il débute sa carrière à Broadway, en 1946, dans une version de Lysistrata. La pièce, entièrement interprétée par des Noirs, marque un tournant dans la carrière de Poitier. Son premier rôle au cinéma lui a été offert par le célèbre réalisateur Joseph L. Mankiewicz dans La Porte s’ouvre, film avant-gardiste sur le scandale du racisme.
Son interprétation dans Graine de violence en 1955 marque sa consécration. Il y joue le rôle d’un jeune garçon instable et difficile à gérer devant faire face à l’exclusion et la pauvreté. En 1958, il est pressenti pour l’Oscar du meilleur acteur avec La Chaîne, un thriller qui met en exergue des tensions raciales. La même année, il joue le rôle de Porgy, dans le film Porgy and Bess, de Otto Preminger. Inspiré d’un opéra du même nom, le film raconte l’histoire d’un Noir estropié venant au secours de Bess, une jeune femme prisonnière des griffes de son mari.
SON OSCAR DEVIENT HISTORIQUE
En 1961, le film de Daniel Petrie Un raisin au soleil remporte le prix Gary Cooper au Festival de Cannes. Mais ce n’est qu’en 1963, pour son interprétation dans Le Lys des champs de Ralph Nelson, qu’il obtiendra l’Oscar du meilleur acteur. L’instant reste mémorable aux yeux de tous puisque c’est le premier acteur noir à recevoir ce prix.
Très attaché au respect des droits civiques, il choisit des rôles porteurs d’un message, le plus souvent social. C’est le cas de Devine qui vient dîner ? (1967) ou encore Dans la chaleur de la nuit (1967) où sa couleur de peau sera systématiquement l’objet de conflit et d’exclusion. Ce dernier film aura remporté un tel succès qu’il sera le premier d’une trilogie dans laquelle Sydney Poitier reprendra le rôle du détective Virgil Tibbs. En 1970 d’abord, avec Appelez-moi Monsieur Tibbs !, puis en 1971 dans L’Organisation.
UNE CARRIÈRE, UN SYMBOLE
Incontestablement, Sydney Poitier, de par son statut de star, a permis à toute une génération de Noirs Américains de rêver d’égalité et ce, même si les lois le leur interdisaient. Mais la fin des années 60 est synonyme de succès partagé dans la carrière de Sydney Poitier: pour certains, notamment la communauté noire, ses rôles sont trop « Oncle Tom » et sa popularité auprès de la communauté blanche agace.
Lassé de tout cela, Sydney Poitier préfère changer de direction. C’est ainsi qu’en 1972, il entame une double carrière et passe derrière la caméra. Dans son premier film, le western Buck et son complice, il se partage la vedette avec Harry Belafonte, qu’il retrouvera en 1974 dans son second long métrage, Uptown Saturday Night, qui remportera un franc succès. Au total, Sydney Poitier réalise 7 films et mène toujours en parallèle sa carrière d’acteur.
Il sortira de sa retraite en 1998 le temps d’apparaître dans Le Chacal, avec Bruce Willis et Richard Gere, ce qui marquera sa dernière apparition au cinéma dans une oeuvre de fiction.
Sydney Poitier, figure emblématique, acteur avant-gardiste, symbole de liberté et défenseur des droits de l’Homme se consacre désormais à son plus vieux combat. Dans les dernières années de sa vie, il était devenu ambassadeur à l’UNESCO, et s’occupait essentiellement de son pays, les Bahamas.