En bord de route, Solange Mandjenvoa installé un petit stand de vente de boissons. Mais inutile d’espérer consommer son soda frais : il n’y a pas de courant pour faire fonctionner le réfrigérateur, prévient la trentenaire en riant. Pourtant, des lignes électriques passent tout autour de son village de Djeno, situé au sud de Pointe-Noire, la capitale économique du Congo-Brazzaville. Derrière le jardin de Solange, à quelques centaines de mètres à peine, le terminal pétrolier géré par Total est allumé jour et nuit. Deux centrales thermiques se dressent d’ailleurs dans le village, alimentées par le gaz des champs pétroliers.
Dès que le soleil se couche, la vendeuse rentre les bouteilles dans sa petite maison en bois et allume ses lampes torches. Peu d’habitants de Djeno ont les moyens de faire fonctionner un groupe électrogène. L’un des rares à pouvoir se l’offrir a installé le sien dans une petite cahute où, moyennant quelques billets, les jeunes du coin se pressent pour venir recharger leurs téléphones portables. Une scène qui en dit long sur les contradictions du Congo, où une élection présidentielle se tient dimanche 21 mars. Un pays riche en pétrole mais dont 40 % de la population vit toujours sous le seuil de pauvreté.
Jean-Félix, le grand-père de Solange, est né à Djeno en 1950. Et pour lui le constat est sans appel : « On n’a rien gagné avec l’arrivée du terminal dans les années 1970. Il n’y en a que pour Total. » L’homme, qui cultive un peu de manioc, se plaint que ses tubercules poussent mal. Il déplore aussi les nuisances sonores et les odeurs de soufre dégagées par l’installation.
Dans la localité, il y a peu d’électricité et presque pas d’eau potable. Les forages « Eau pour tous », un projet hydraulique lancé en 2013 pour un budget de 193 milliards de francs CFA (294 millions d’euros), sont la plupart hors-service : les panneaux photovoltaïques qui faisaient fonctionner les pompes ont été volés et n’ont jamais été remplacés. Depuis, les citernes jaune, vert et rouge – les couleurs du drapeau congolais – prennent la poussière au soleil. Maigre consolation pour les habitants de Djeno : certains ont pu se raccorder au réseau d’eau de Total.
Une violente récession
En dehors des quartiers huppés, le centre-ville de Pointe-Noire n’est pas mieux loti. Les taxis bleus y slaloment entre les nids-de-poule. La société civile dénonce un manque d’investissements publics dans la voirie, mais aussi et surtout dans les domaines de la santé et de l’éducation. Contactés par Le Monde Afrique, les autorités locales et le ministère de l’énergie et de l’hydraulique n’ont pas souhaité s’exprimer.