Reportage :« Un produit euphorisant et aphrodisiaque » : en Côte d’Ivoire, la production de noix de cola explose

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Avachi sur une chaise devant son magasin, cigarette au coin de la bouche et « misbaha » (le chapelet musulman) dans la main droite, Ibrahim Keïta n’a pas vraiment l’allure d’un homme d’affaires. Mais les apparences peuvent être trompeuses. Son téléphone sonne, il répond puis se redresse et distribue ses consignes aux employés qui s’affairent autour de lui. « Préparez dix sacs [de 50 kg] pour le Sénégal, dix pour la Gambie, quinze pour la Mauritanie et trente pour le Burkina », ordonne-t-il en écrasant son mégot sous son pied. En quelques minutes, cet homme longiligne et à la démarche hésitante a assuré la fourniture en noix de cola de l’essentiel des pays d’Afrique de l’Ouest.

Négociant depuis 1983, Ibrahim Keïta est aujourd’hui à la tête du collectif d’exportateurs le plus important d’Anyama, une petite ville située au nord d’Abidjan, sur l’axe historique qui relie la capitale économique ivoirienne aux pays du Sahel. Ensemble, ils exportent plus de 70 000 tonnes de noix de cola chaque année, soit près du quart de la production nationale, qui s’élevait autour de 280 000 tonnes en 2019, selon les professionnels. La Côte d’Ivoire est le principal producteur mondial de la graine du colatier, devant le Nigeria. Véritable baron de la filière, Ibrahim Keïta a été en première ligne quand celle-ci s’est emballée, ces dernières années. « En 1995, le pays ne produisait que 60 000 tonnes, et en 2012, 192 000 tonnes », lâche-t-il, encore surpris. Aujourd’hui, cette culture génère un chiffre d’affaires annuelestimé par les experts du secteur à 100 milliards de francs CFA (environ 152 millions d’euros).

Avant qu’Anyama ne devienne « la capitale mondiale de la cola », Ibrahim Keïta explique que « tout y était informel et artisanal : on produisait dans les alentours et on envoyait des petits volumes à nos parents dans le nord de la Côte d’Ivoire, au Mali et au Burkina, car là-bas la consommation de la noix est culturelle ». Aujourd’hui encore, dans de nombreuses communautés d’Afrique de l’Ouest, notamment sahéliennes, la noix est offerte dans les cérémonies de remise de dot, de mariage, de baptême et de sacrifice.

Un produit longtemps resté confidentiel

Ibrahim Keïta ne garde que quelques sacs pour son usage personnel, avant de faire partir ses camions au-delà des frontières. De même, 90 % de la production ivoirienne est exportée dans les pays de la sous-région, dont les trois quarts au Nigeria. Le géant ouest-africain, producteur et grand consommateur, en revend une partie à l’étranger.

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