Alors que, dans de nombreux pays, la vaccination accélère et les restrictions liées au Covid-19 sont progressivement levées, le Brésil se dirige à contre-courant vers une troisième vague épidémique. La barre symbolique des 500 000 morts dus à la pandémie a été franchie samedi 19 juin. Le nombre moyen de décès y dépasse désormais les 2 000 par jour, soit une augmentation de 24 % par rapport à début juin, marquant un retour aux niveaux dramatiques d’avril, mois le plus meurtrier de la pandémie, au cours duquel plus de 82 000 Brésiliens sont morts du Covid-19, selon les chiffres officiels.
« Un demi-million de morts, cela représente une population supérieure à la plupart des grandes villes du pays ! », alerte José Cassio de Moraes, médecin épidémiologiste à l’Université pontificale catholique de Sao Paulo. La réalité serait plus sombre encore, une grande partie des décès dus à la crise sanitaire n’étant pas notifiés ou diagnostiqués.
Selon les experts, l’accélération de l’épidémie serait d’abord due à la circulation de plusieurs variants du Covid-19 dans le pays, dont le tristement célèbre P1 (Gamma), décrit comme plus transmissible, et apparu dans la région de Manaus (Amazonie) en décembre 2020. Celui-ci représenterait désormais près de 90 % des contaminations dans l’Etat de Sao Paulo, selon l’Institut Butantan – équivalent local de l’Institut Pasteur français. Ce dernier a également identifié dix-neuf nouvelles souches en circulation dans ce même Etat.
Pouvoir fédéral défaillant
Alors que les gestes barrières sont de moins en moins respectés, la campagne de vaccination, commencée en janvier, souffre toujours de retard. Moins de 12 % de la population (24 millions de Brésiliens) a, à ce jour, reçu deux doses de vaccin (pour l’essentiel, du CoronaVac chinois). Pas de quoi freiner l’épidémie : « Plus la transmission est importante et hors de contrôle, plus les chances que de nouvelles souches apparaissent seront grandes », déplore Claudio Maierovitch, chercheur de la Fondation Oswaldo Cruz.Décryptage .
L’inquiétude grandit également face à l’arrivée au Brésil du variant Delta (dit indien). Fin mai, huit cas ont été détectés dans trois Etats : Maranhao (Nordeste), Rio de Janeiro et Minas Gerais (sud-est). La diffusion de celui-ci demeure limitée, mais des premiers cas de transmissions communautaires ont déjà été établis.
Désigné comme principal responsable de la tragédie, le président Jair Bolsonaro n’a pas cru bon de rendre hommage ces derniers jours aux 500 000 victimes du Covid-19. Sa gestion de l’épidémie est aujourd’hui de plus en plus contestée : samedi 19 juin, à l’appel d’organisations de gauche, des dizaines de milliers de Brésiliens sont de nouveau sortis dans les rues pour protester contre sa politique. Les cortèges ont rassemblé davantage de monde que lors de la précédente mobilisation, le 29 mai.