La pandémie de Covid-19 a eu des répercussions sur la sexualité dans le monde entier dans la mesure où elle a modifié et compliqué les relations amoureuses entre individus, que ceux-ci soient confinés ensemble ou séparément, qu’ils soient en couple ou célibataires. Également en raison des restrictions imposées (confinement, interdiction de déplacement, couvre-feu) et des gestes barrières (port du masque, distanciation sociale) destinées à limiter la diffusion du coronavirus. Enfin, la peur de la contagion a également eu un effet notable. C’est le constat dressé par deux psychologues italiens. Leur revue de la littérature médicale couvre les aspects spécifiques de la sexualité à l’heure de la Covid-19 dans les pays occidentaux. Vingt articles sur un total de 337 ont été sélectionnés pour leur analyse publiée le 2 janvier 2021 dans la revue Sexologies.
Présence continue des enfants au domicile
« L’obligation de cohabiter en permanence avec son partenaire, la limitation de l’espace, les tensions, les conflits et les divergences d’opinion ont fragilisé les couples. De plus, toutes les émotions négatives ont également eu un impact défavorable sur les rapports sexuels et donc sur la santé sexuelle qui fait partie du bien-être émotionnel et social. Durant cette période, les relations sexuelles entre les personnes cohabitantes ont été durement altérées », indiquent deux psychologues de l’université La Sapienza et de l’académie de psychologie sociale et légale (Rome). Et d’ajouter que pour les couples avec enfants, « l’impact négatif a été renforcé par la présence continue des enfants au domicile en raison de la fermeture des écoles, ce qui a rendu difficile la possibilité de moments d’intimité ». Au total, « les impacts psychologiques ont diminué le désir sexuel et les problèmes logistiques ont réduit les relations sexuelles », résument les auteurs.
Relations extraconjugales rendues compliquées
Ces auteurs font valoir que la situation a été différente pour les époux adultères. En effet, « il leur était difficile d’avoir des relations sexuelles occasionnelles, et ceux qui entretenaient des relations extraconjugales (au travail ou ailleurs), n’avaient pas la possibilité de maintenir leurs relations sexuelles, tout d’abord en raison de la diminution drastique des activités professionnelles et ensuite du fait de la coexistence forcée et les limitations de sortie ».
Importance d’internet
Concernant les couples ne vivant pas sous le même toit mais qui entretenaient une relation stable, les confinements, les limitations de déplacement, l’auto-isolement et la distanciation physique ont pu avoir pour conséquence que les deux partenaires n’ont pu satisfaire un fort désir réciproque. Dans ce cas, la sexualité a néanmoins pu être vécue différemment grâce à l’utilisation d’internet, même si tous les couples ne sont pas disposés à vivre une sexualité virtuelle, indiquent Stefano Eleuteri et Giulia Terzitta. Selon eux, « la pratique du sexe en ligne avec le partenaire stable ne vivant pas sous le même toit a aidé certaines personnes à maintenir leur désir et à le satisfaire et préserver celui-ci intact en vue de la fin de la pandémie ».
Une enquête épidémiologique britannique a évalué l’impact de l’auto-isolement et de la distanciation sociale pendant une dizaine de jours ou plus sur un échantillon de 868 adultes. Les résultats publiés dans la revue Journal of Sexual Medicine montrent que 40 % d’entre eux avaient une activité sexuelle au moins une fois par semaine. En revanche, 60 % des participants ont rapporté ne pas avoir été sexuellement actifs durant cette période.
Une étude conduite par des gynécologues italiens auprès de 89 femmes en âge de procréer a rapporté une diminution de leur fonction sexuelle et de leur qualité de vie sexuelle durant la période de distanciation sociale du fait de la pandémie de Covid-19. Plus précisément, cette étude publiée dans Journal of Sexual Medicine indique que la proportion de femmes qui avaient en moyenne six rapports sexuels par mois avant les mesures de restrictions a diminué pour atteindre deux rapports mensuels par la suite. Selon les auteurs, l’impact négatif de l’épidémie de Covid-19 sur la fonction sexuelle et la qualité de vie des femmes montre comment un stress aigu peut affecter l’état psychologique.
Publiée dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health, une étude de gynécologues polonais a rapporté que le pourcentage de femmes souffrant de dysfonctionnement sexuel, qui était d’environ 15 % avant la pandémie, est passé à 34 % pendant le confinement total. Par ailleurs, une diminution de la fréquence des rapports sexuels a été observée par rapport à la période antérieure. Plus de 40 % des femmes ont déclaré que cela pourrait être lié à l’isolement par rapport au partenaire, 39 % ont ressenti un manque de désir causé par le stress et 16 % ont évoqué des incompréhensions avec leur partenaire. Enfin, seulement 3 % des femmes craignaient d’être contaminées par le SARS-CoV-2 lors de rapports sexuels.
Recours au sextoy
Publiée dans la revue Sexually Transmitted Infections, une étude australienne, réalisée via un questionnaire en ligne, a évalué l’impact du confinement sur les pratiques sexuelles de 965 personnes dont 70 % étaient des femmes. La majorité des personnes interrogées (53 %) ont déclaré avoir eu moins de rapports sexuels pendant le confinement qu’au cours de la même période en 2019. Concernant les activités sexuelles, environ 14 % des participants ont déclaré avoir utilisé plus souvent des sextoys pour eux-mêmes et 26 % qu’ils se masturbaient davantage. Les recours à des sites de rencontres a logiquement chuté, de 42 % à 27 %. À l’inverse, l’utilisation des services de messagerie et de conversation en ligne a légèrement augmenté, passant de 89 % à 94 %. Au total, 98 participants (11 %) ont déclaré avoir acheté un sextoy pendant le confinement et parmi eux, 24 % ont indiqué que c’était la première fois qu’ils le faisaient.
Au sujet de la masturbation, on peut rappeler que le département de la santé publique de New York a déclaré le plus sérieusement du monde : « Vous êtes votre partenaire sexuel le plus sûr. La masturbation ne propage pas la Covid-19, surtout si vous vous lavez les mains (et les sextoys) à l’eau et au savon pendant au moins 20 secondes avant et après ».
Un conseil identique avait été formulé au Canada par le Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique. En septembre 2020, la responsable de la santé publique au Canada avait recommandé aux partenaires sexuels d’éviter de se donner des baisers et d’avoir le visage près l’un de l’autre. « Envisagez de porter un masque couvrant le nez et la bouche », avait-elle déclaré.
Conséquences sur le désir sexuel
Plusieurs études se sont intéressées au désir sexuel. Ainsi, une étude espagnole a évalué le comportement sexuel pendant les 99 jours du confinement en Espagne lors d’une enquête en ligne. Il ressort de cette étude parue dans la revue Sexuality Research and Social Policy que la vie sexuelle a été affectée, en particulier celle des femmes. Celles qui ont rapporté une diminution de leur activité sexuelle ont été trois fois plus nombreuses (37 %) que celles qui indiquaient une augmentation (14 %). Concernant le désir sexuel, les psychologues ont noté des différences significatives entre hommes et femmes. En particulier, une proportion plus élevée de femmes (37 %) que d’hommes (29 %) ont éprouvé plus de désir que d’habitude, mais le contraire se confirme avec celles qui ont ressenti moins de désir sexuel (39 % chez les hommes et 34 % chez les femmes). Ainsi, de manière générale, les hommes avaient moins de désir alors que celui-ci a augmenté chez les femmes.
Une étude italienne a confirmé qu’il peut y avoir des différences entre les sexes pour ce qui concerne les effets du confinement sur le désir sexuel. Publiée dans Frontiers in Psychology, cette étude a rapporté que 18 % des hommes et 26 % des femmes ont présenté une diminution du désir sexuel. À l’inverse, environ 15 % des hommes et 21 % des femmes ont rapporté une augmentation de l’excitation lors du confinement.
Impact important sur la santé sexuelle des adolescents
Concernant les adolescents, une étude américaine, réalisée entre fin mars et début mai 2020, rapporte que 10 % d’entre eux (âgés de 14 à 17 ans) s’étaient masturbés plus souvent au cours des trois derniers mois. La même proportion a été trouvée pour ce que concerne l’utilisation des rencontres par webcam (video chatting) et l’envoi de SMS érotiques (sexting). Les jeunes ont eu également plus souvent recours au visionnage de vidéos pornographiques, comme l’indique cette étude parue dans le Journal of Adolescent Health. À ce propos, les auteurs de l’article publié dans Sexologies rappellent que pendant le confinement, un célèbre site web de diffusion de vidéos pornographiques en streaming offrait un accès gratuit à sa version Premium.
Les psychologues italiens soulignent par ailleurs que les jeunes qui poursuivent leurs études hors du domicile familial ont dû retourner chez leurs parents et renoncer à leur indépendance, ce qui a diminué les relations sociales avec leurs semblables. Et les psychologues de souligner qu’on ne connaît pas à l’heure actuelle les effets à long terme de cette privation d’intimité et de contact physique.
Pour la plupart des jeunes, la distanciation sociale a de toute évidence conduit à une réduction des rapports sexuels. Élevés à l’ère du numérique, les jeunes ont interagi par le biais d’internet, « ce média offrant divers types d’interactions, notamment des conversations, des rencontres en ligne, des sextos, des relations sexuelles virtuelles et d’autres activités en ligne », notent les chercheurs italiens, qui font cependant remarquer qu’il peut être être difficile pour les jeunes de disposer d’un certain degré d’intimité au domicile familial…
En conclusion, les auteurs insistent sur un point : dans ou en dehors de l’isolement, le besoin de relations sociales, d’amour, de flirt et d’expression sexuelle demeure. Pour y parvenir, ils soulignent « le rôle important d’internet » qu’ils considèrent comme « un outil permettant d’améliorer la santé sexuelle, en particulier dans ce nouveau scénario Covid-19 ». En espérant que celui-ci ne dure pas trop longtemps. Pour enfin arrêter de penser Covid qui nous sépare