C’est une autre vague qui grandit, depuis un an, à la clinique des maladies mentales et de l’encéphale (CMME) de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris. Au sein de son unité spécialisée dans la prise en charge des troubles alimentaires, un lit ne reste jamais vacant plus d’une minute. « On a une liste d’attente d’hospitalisation d’une trentaine de personnes, avec pour chaque place libérée au moins cinq à six patientes en situation d’urgence », décrit la chef de clinique Laura Di Lodovico.

Depuis le début de la pandémie de Covid-19 et des restrictions qui y sont associées, les cas de bolémie et d’anorexie

ont explosé en France, en particulier chez les jeunes adultes qui affluent dans ce centre parisien. Dans tous les services spécialisés accueillant ce public que nous avons interrogés, on rapporte un même ordre de grandeur inquiétant : une augmentation d’environ 30 % de la demande par rapport aux autres années. La ligne téléphonique Anorexie Boulimie Info écoute a, elle aussi, vu ses appels s’accroître de 30 % en 2020.

A la CMME, qui gère un tiers de l’activité liée aux troubles du comportement alimentaire (TCA) en Ile-de-France, la durée d’attente pour une hospitalisation est passée de deux à plus de six mois. Le pic de demandes de soins pour TCA se situe entre 18 et 21 ans. « C’est un âge de transition qui en fait une population vulnérable », précise le psychiatre et chef de service Philibert Duriez. En France, environ 600 000 adolescents et jeunes adultes, principalement des femmes, sont concernés. « Avec la crise, l’anxiété et l’altération des routines pour cette jeunesse contrainte à des cours à distance et à une incertitude prolongée, mais aussi l’isolement social ou le retour dans un cadre familial parfois conflictuel, ont majoré le risque », observe le médecin, qui constate un fort accroissement des cas et de décompensation et une aggravation des syndromes chez les 17-30 ans.