C’est un pays où l’on apprécie la rhétorique et les répliques qui font mouche. Jusqu’à la révision constitutionnelle de fin 2019, le Bénin comptait 278 formations politiques et alliances partisanes. A l’Assemblée nationale, où 50 partis différents étaient représentés pour 83 députés, tout comme à la télévision, on débattait jusqu’à plus d’heure, jusqu’à plus soif. C’était ça, « le Quartier latin d’Afrique de l’Ouest ».
Où sont passées les voix dissonantes ? Qu’est devenu le « modèle démocratique » béninois ? Dimanche 11 avril, 5,5 millions de Béninois sont appelés aux urnes pour élire leur président. Ils ont le choix entre le chef de l’Etat sortant Patrice Talon, un ancien homme d’affaires de 62 ans qui a fait fortune dans le coton, et deux autres candidats méconnus, Alassane Soumanou et Corentin Kohoué, proches de la mouvance présidentielle. « C’est une élection Talon contre Talon, répète Frédéric Joël Aïvo, un opposant dont la candidature a été invalidée. Voilà un scrutin sans enjeu, où le président fait campagne contre lui-même puisque le processus électoral a été confisqué. Il a utilisé la forme pour combattre le fond. »
Depuis la révision constitutionnelle de 2019, il faut 16 parrainages d’élus, maires ou députés, pour présenter un candidat à la magistrature suprême. Du fait du boycottage par l’opposition des législatives d’avril 2019, les 83 députés du Bénin sont tous issus du camp de Patrice Talon. C’est un Parlement monochrome, silencieux. Et, suite aux élections municipales de 2020 – pour lesquelles se présenter relevait du parcours du combattant –, le Bénin s’est retrouvé avec seulement six maires (sur 77) issus de l’opposition. Une équation qui empêche de présenter un candidat solide, surtout si l’on ajoute, au sein des partis traditionnels, de vieilles querelles d’ego
Les ténors de l’opposition vivent aujourd’hui loin de l’arène béninoise. Sébastien Ajavon, puissant homme d’affaires qui avait favorisé l’élection de Patrice Talon en appelant à voter pour lui au second tour en 2016, s’est installé en France où il a obtenu le statut de réfugié. Condamné en 2018 à vingt ans de prison pour trafic de drogue, il vient de se voir infliger, dans son pays, une nouvelle peine de cinq ans d’emprisonnement pour « faux, usage de faux et escroquerie ».