Guerre froide ou paix chaude. L’opposant Ousmane Sonko semble faire sien « le concept de paix armée ». Le rejet pur et simple de l’offre du Cadre unitaire de l’Islam au Sénégal et de la plateforme « Jammi Rewmi » participe d’une stratégie de combat politique. Seulement, en repoussant le projet de la « Charte de non-violence » proposé par les organisations de la société civile, le leader de Pastef prend un grand risque pour son image. Dans une société où la psychologie « jamm mo gën ay » – la paix vaut mieux que la guerre – est la chose la mieux partagée, on vous fait passer facilement pour un adepte de la violence. Risque calculé ? Fort probable. Comme un certain Abdoulaye Wade passé Maître ès-Opposition, le jeune opposant est lui aussi, apparemment, un disciple du « combat au bord du précipice »

Pour rappel, Ousmane Sonko est cité dans une affaire de viol présumé qui lui vaut une inculpation par le juge d’instruction et un placement sous contrôle judiciaire depuis mars 2021. Mais il n’entend pas se livrer « pieds et poings liés » pour reprendre ses mots. Sonko refuserait-il encore et toujours de déférer à une éventuelle convocation de la justice dans cette affaire qu’il ne s’y prendrait autrement. Il ne fait pas que rejeter la « Charte de non-violence ». Il récuse également, dans la même foulée, le tout nouveau doyen des juges d’instruction Oumar Maham Diallo, nommé en remplacement du défunt Samba Sall, lui-même récusé de son vivant en tant que DJI.

Ousmane Sonko, un opposant du « NON ». Hier, il avait dit non à la convocation de la Commission d’enquête parlementaire sur « l’affaire des 94 milliards ». Non également à la Commission ad hoc chargée d’instruire la demande de levée de son immunité parlementaire dans l’affaire Sweet Beauté. Aujourd’hui, c’est au tour du Cadre unitaire de l’Islam et de la Plateforme « Jammi rewmi » d’essuyer le niet catégorique du Président de Pastef. Demain, dira-t-il aussi non ?

« Un OUI n’a de sens que si celui qui le prononce, a la capacité de dire NON… », affirmait Lamine Guèye en homme politique madré et mesuré. A l’endroit de Sonko, on est tenté d’inverser l’ordre de la célèbre formule de Lamine Coura. Paraphrasant le premier Président de l’Assemblée nationale sénégalaise et leader politique charismatique, un NON ne fait-il pas plus sens que lorsque celui qui le prononce, est capable de dire OUI ? Le courage de dire « oui » n’est pas moins valeureux que la capacité de dire « non ».

Candidat malheureux à la Présidentielle de 2019 et candidat à la mairie de Ziguinchor lors des municipales du 23 janvier 2022, Sonko se déclare victime de violences répétées de la part du régime. Mieux ou pire, de « tentative d’assassinat ». Il ne fournit cependant aucune preuve de cette accusation. Pour s’en défendre, le pouvoir dépeint l’opposant sous les traits d’un « homme violent » et « ennemi de la paix » en le tenant pour responsable des émeutes de mars dernier. Lourd bilan : 14 morts. Les responsabilités ne sont toujours pas situées. Elles ne le seront peut-être jamais.

Qui est violent ? Qui est non-violent ? Dans ce jeu de Mortal Kombat, à moins qu’il s’agisse d’un jeu politicien d’équilibre de la terreur, les initiateurs de la « Charte de non-violence », avec la bénédiction des chefs religieux du pays, ont du pain sur la planche.

« La victoire obtenue par la violence équivaut à une défaite, car elle est momentanée », déclarait l’Indien Mahatma, célèbre apôtre de la non-violence.

Gandhi ou King : l’essentiel est de choisir le camp de la paix.

Mamoudou Ibra KANE