Le laboratoire allemand BioNTech a indiqué mardi qu’il commencerait à la mi-2022 la construction de sites de production de vaccins à ARN messager en Afrique, notamment au Sénégal et au Rwanda.

La société a signé une lettre d’intentionavec le gouvernement du Rwanda et l’Institut Pasteur de Dakar, au Sénégal, confirmant un engagement pris fin août entre les parties prenantes lors d’une rencontre à Berlin, selon un communiqué. La future ligne de production, dont la localisation précise n’est pas communiquée, sera la première étape d’un « nœud central dans un réseau de production décentralisé et robuste en Afrique », affirme l’entreprise de Mayence (ouest de l’Allemagne).

En juillet, le Sénégal avait annoncé que l’Institut Pasteur gérerait un nouveau centre de fabrication pour produire des vaccins, notamment pour la Covid-19. Le coût de ce centre est estimé à 200 millions de dollars et sera financé en partie par des fonds provenant de gouvernements et d’institutions européennes et américaines.

Millions de doses

Cette infrastructure pourra dans un premier temps produire l’ARN messager nécessaire à la fabrication de 50 millions de vaccins contre la Covid-19par an et il est prévu que la capacité soit portée progressivement à plusieurs centaines de millions de doses de vaccins à ARN messager, « en ajoutant d’autres lignes de production et sites au réseau de fabrication sur le continent ».

« Des installations de pointe comme celle-ci sauveront des vies et changeront la donne pour l’Afrique et pourraient permettre la fabrication de millions de vaccins de pointe pour les Africains, par les Africains en Afrique », a déclaré Matshidiso Moeti, directrice régionale de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour l’Afrique. « Cela est également crucial pour le transfert de connaissances et de savoir-faire, l’apport de nouveaux emplois et de nouvelles compétences et, au final, le renforcement de la sécurité sanitaire de l’Afrique. »

Lancement de production

Selon Ugur Sahin, PDG et co-fondateur de BioNTech,« l’objectif est de développer des vaccins au sein de l’Union africaine (UA) et de développer des capacités de production de vaccins durables afin d’améliorer conjointement les soins médicaux en Afrique. » Actuellement, près de 1% des vaccins utilisés en Afrique sont fabriqués sur le continent. L’UA veut faire grimper cette proportion à 60% d’ici 2040.

Au lancement de la production, BioNTech fournira le personnel nécessaire mais prévoit ensuite de « transférer les capacités de fabrication et le savoir-faire aux partenaires locaux ». BioNTech travaille à la fabrication partielle de son vaccin contre la Covid-19 – développé avec Pfizer – en Afrique du Sud l’an prochain. Pour ce projet, la biotech allemande s’est associée au laboratoire Biovac, installé au Cap, pour réaliser l’étape finale de mise en flacon.

« Apartheid vaccinal »

L’annonce de BioNTech a été critiquée par Rohit Malpani, consultant indépendant en santé publique à Paris, qui travaillait auparavant pour Médecins Sans Frontières (MSF)« Rien n’aurait dû empêcher BioNTech de faire cela il y a un an, alors qu’ils construisaient des usines aux États-Unis et en Allemagne. Le fait qu’ils soient restés les bras croisés et aient permis à cet apartheid vaccinal de proliférer et d’avoir laissé des millions de personnes sans vaccins montre que nous ne pouvons pas faire confiance à ces entreprises. »

Et Rohit Malpani de souligner que l’accord porte sur la production du vaccin sous licence à BioNTech. « Cela peut permettre d’étendre la production, mais le contrôle des vaccins reste en définitive entre les mains de BioNTech. Lorsque ces vaccins arriveront, il sera bien trop tard pour des millions de personnes. Cela ne garantit pas que les pays auront accès aux vaccins ou qu’ils seront en mesure de mieux répondre aux futures pandémies. »

L’Afrique et ses 1,3 milliard d’habitants reste la région du monde la moins vaccinéecontre la Covid-19, avec à peine plus de 5 % de personnes complètement vaccinées, selon les centres africains de contrôle et de prévention des maladies.