Mario Draghi l’a dit et répété depuis qu’il a pris la tête du gouvernement italien : l’Europe est à la traîne derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou Israël, et il faut accélérer sur tous les fronts pour vacciner au plus vite contre le Covid-19. Dans ce contexte, le premier ministre a mené une opération coup de poing contre AstraZeneca, le laboratoire anglo-suédois qui avait, du jour au lendemain, annoncé à l’Union européenne (UE) une réduction des deux tiers de ses livraisons au premier trimestre 2021 (de 120 à 40 millions de doses) et contraint les Vingt-Sept à revoir nettement à la baisse le rythme de leur campagne de vaccination. On l’a appris jeudi 4 mars par une information du Financial Times qu’ont confirmée plusieurs sources : main dans la main avec la Commission, Rome a bloqué, le 26 février, l’exportation de 250 000 doses que l’industriel voulait mener à partir de son usine d’Anagni vers l’Australie.
Quand AstraZeneca avait,le 22 janvier, drastiquement réduit son plan de livraisons en Europe, les Européens avaient décidé de mettre en place, à compter du 1er février, un mécanisme de contrôle des exportations de vaccins afin de s’assurer que les laboratoires ne vendaient pas à d’autres des doses qui auraient dû leur être réservées. Jusqu’ici, ce dispositif n’avait pas été utilisé : sur les 174 demandes d’autorisation déposées entre le 30 janvier et le 1er mars, aucune n’a été refusée. Et, si AstraZeneca en a bénéficié, ce n’est que sur de petites quantités, envoyées par exemple au Mexique afin de vérifier que les vaccins européens et sud-américains sont de même qualité.
Lors de la réunion (virtuelle), le 25 février, entre les chefs d’Etat et de gouvernement européens, Mario Draghi avait milité pour que ce mécanisme de contrôle des exportations – qui expire le 12 mars et que les Vingt-Sept souhaitent reconduire – soit utilisé contre les laboratoires qui ne respectent pas leurs engagements vis-à-vis de l’UE. Si Moderna et Pfizer-BioNTech ont, eux aussi, du retard, ce n’est pas dans les mêmes proportions qu’AstraZeneca et l’ancien banquier central visait clairement l’anglo-suédois.Lire aussi : Dans les coulisses des contrats entre l’UE et les groupes pharmaceutiques sur les vaccins contre le Covid-19
En réalité, l’industriel avait déposé une demande d’exportation vers l’Australie depuis que Canberraavait autorisé son vaccin, à la mi-février. Et cela faisait plusieurs semaines qu’en contrepartie de leur visa, Rome – où Giuseppe Conteétait encore chef du gouvernement – et Bruxelles – où le commissaire Thierry Breton est chargé du volet industriel de la stratégie européenne de vaccination – lui demandaient des précisions sur la manière dont il comptait tenir ses engagements. « On a fait le mécanisme de contrôle des exportations pour avoir un instrument de pression », décrypte une source européenne.