Que se passe-t-il sur le plan immunitaire chez un individu qui reçoit une première dose de vaccin alors qu’il avait antérieurement contracté la Covid-19 ? Telle est la question à laquelle des immunologistes britanniques ont cherché à répondre. Il importe en effet de savoir en quoi la vaccination anti-Covid-19 peut influer sur la réponse immunitaire chez ceux qui ont déjà été infectés par le SARS-CoV-2, et ce d’autant qu’un antécédent de Covid-19 était un critère d’exclusion dans les essais cliniques de phase III des vaccins Pfizer-BioNTech, Moderna et AstraZeneca.

La question se pose avec d’autant plus d’acuité que le Royaume-Uni a choisi de déployer la vaccination en administrant la première dose au plus grand nombre de personnes et en décalant la deuxième dose de vaccin, en l’occurrence en élargissant à 12 semaines le délai entre les deux doses. La question se complique aujourd’hui dans la mesure où de nouveaux variants sont apparus depuis, notamment le variant anglais B.1.1.7, le variant sud-africain B.1.351, le variant brésilien P.1, le variant indien B.1.617.

Catherine Reynords, Rosemary Boyton et leurs collègues de l’Imperial College de Londres ont analysé, chez des individus ayant reçu une première dose de 30 microgrammes du vaccin à ARN messager Pfizer/BioNtech, l’immunité lymphocytaire B (production d’anticorps) et cellulaire T (réponses dirigées contre des protéines du virus). Cet ARN messager vaccinal renferme le programme génétique de fabrication de la protéine spike (S) du SARS-CoV-2, protéine qui sera reconnue par le système immunitaire qui produira des anticorps. Les participants de cette étude, parue le 30 avril 2021 dans la revue Science, font partie d’une cohorte de professionnels de santé britanniques faisant l’objet d’un suivi depuis mars 2020.

Évaluation des immunités cellulaires B et T

L’objectif des chercheurs a été de comparer, après administration d’une seule dose de vaccin en décembre 2020, les immunités lymphocytaires B et T chez des individus après infection naturelle par le SARS-CoV-2, chez des personnes vaccinées ayant contracté antérieurement la Covid-19 (dans neuf mois précédents) et chez des sujets vaccinés mais n’ayant jamais été infectés.

Il apparaît que 95 % des sujets (22 sur 23) ayant été immunisés naturellement contre le SARS-CoV-2 ont développé une réponse cellulaire T dirigée contre la protéine spike, contre 70 % (16 sur 23) chez ceux qui n’avaient jamais été infectés par le SARS-CoV-2. Par rapport aux individus n’ayant jamais été infectés, la réponse cellulaire T a été quatre fois plus importante chez les individus ayant déjà eu une infection par le SARS-CoV-2.

Chez les patients indemnes d’infection antérieure, la réponse en anticorps anti-protéine-spike 22 jours après une seule dose de vaccin correspondait globalement au taux maximum détecté après infection naturelle. S’agissant de la réponse cellulaire T, celle-ci a cependant été inférieure à celle observée après infection naturelle. De fait, une réponse cellulaire T n’a pas été détectée chez 30 % des individus vaccinés n’ayant pas développé de Covid-19.

Concernant l’immunité cellulaire B, les chercheurs ont évalué la taille du contingent de cellules B mémoires dirigées contre la sous-unité S1 de la protéine spike. Après une seule dose, le nombre de ces cellules B mémoires était 63 fois plus élevé chez les personnes vaccinées ayant fait une infection par le SARS-CoV-2 que chez celles qui n’avaient jamais été infectées.

Par ailleurs, le taux (titre) en anticorps neutralisants observé chez les individus vaccinés ayant déjà contracté la Covid-19 était en moyenne 60 fois plus élevé que chez les personnes n’ayant jamais été infectées avant d’être vaccinées. De fait, les titres en anticorps étaient 43 fois supérieurs à ceux enregistrés dans les essais cliniques de phase I après deux doses. Les chercheurs n’ont pas noté de corrélation entre l’importance de la réponse cellulaire T et le nombre des cellules B mémoire spécifiques du domaine S1 de la protéine spike.

Ces résultats indiquent donc qu’une seule dose de vaccin s’accompagne d’un fort effet « rappel » en cas d’infection antérieure. Celle-ci se traduit dans le pourcentage de cellules B mémoires spécifiques du domaine S1 de la protéine spike : entre 2 % et 50 % du pool des cellules B mémoires chez les individus vaccinés ayant eu une infection par le SARS-CoV-2, contre 0,02 % et 1,5 % du contingent des cellules B mémoires chez les patients vaccinés mais jamais infectés. Cet effet « rappel » se manifeste également par une plus forte augmentation du titre en anticorps contre le domaine S1 de la protéine spike et en anticorps neutralisants.