Qui n‘a pas éprouvé, un jour, des frissons en écoutant Nkosi Sikeleli Afrika (Que Dieu bénisse l’Afrique), hymne popularisé par les combattants de l’ANC au temps de la lutte anti-apartheid, devenu celui de la « Nation arc-en-ciel », à la libération de ce pays ? Si cet hymne au souffle puissant fait vibrer les cœurs et les corps, au-delà des frontières sud-africaines, c’est sans doute d’abord parce qu’il renvoie profondément à la culture africaine. Ses strophes sont composées dans les principales langues du pays (Xhosa, Zulu, Seshoto, Afrikaans…)

Au moment où une jeunesse africaine déboussolée et assoiffée de rupture cherche, coûte que coûte, à solder les comptes avec les anciennes puissances coloniales, ce serait assurément un symbole fort, que de changer notre hymne national. Ceci d’autant plus que ses véritables origines et sa composition ont souvent alimenté des controverses. Plus de 60 ans après les indépendances, il devient anachronique de chanter sa fierté d’être sénégalais dans une langue étrangère. Sans aucune once de populisme ou de démagogie, en nous inspirant de l’exemple sud-africain, il nous semble que l’heure est venue de faire place à un nouvel hymne dont les paroles seraient composées en Mandinka, Pulaar, Diola, Soninke, Wolof, Serère ou toute autre langue nationale. Ce qui serait un bon début pour les générations futures, dès l’école primaire, de s’approprier, sans complexe, les langues nationales et de se défaire ainsi progressivement d’une tutelle mentale trop pesante.

Une première indication est la magistrale interprétation en Wolof que Souleymane Faye a donnée de l’actuel hymne. Avec l’inflation de talents qu’on note sur la scène musicale sénégalaise, le ministère de la Culture, en s’appuyant sur des personnalités triées sur le volet constituant un échantillon de ce que le Sénégal a produit de mieux dans le domaine intellectuel et de la culture (Mamoussé Diagne, Felwine Sarr, Abdoulaye Elimane Kane, les Touré Kunda, etc.) pourrait lancer un appel à candidatures. Et retenir après une sélection rigoureuse et consensuelle, une nouvelle version d’un hymne qui reflèterait mieux les aspirations de l’époque et symboliserait davantage l’unité nationale dans le respect de la diversité.
Par Barka Ba