Pour la énième fois, le Sénégal va vers la restauration du poste de Premier ministre après une suppression survenue en 2019. La décision du président Macky Sall de se passer de la fonction de Chef de gouvernement était justifiée par un besoin de recentrage et d’aller vers plus de rapidité dans le traitement des dossiers connus sous le vocable de Fast-Track. Après deux ans d’expérience, qui n’a pas été couronnée de succès visiblement, le Chef de l’Etat juge nécessaire de déterrer le poste, et le justifie par des raisons socio-économiques. En tout cas, on n’en est pas encore à l’étape de choix, que des langues se délient déjà sur le futur candidat à ce poste. SeneNews propose ici à ses lecteurs les meilleurs profiles avec des arguments qui justifieraient leur choix à ce poste prestigieux.

Un poste qui a été supprimé sous tous les régimes sauf celui de Wade

D’abord, il faut rappeler que le Sénégal ne vit pas un évènement inédit avec la suppression/restauration du poste de Premier ministre. Excepté sous le président Abdoulaye Wade, tous les régimes ont eu à recourir à cette pratique suivant des circonstances bien définies. Instauré en 1957 sous le terme de Président du Conseil des ministres, le poste en question a été occupé par Mamadou Dia à la suite de Pierre-Lami; il devenait ainsi le premier Sénégalais à se hisser à une telle position. Après l’indépendance, il sera procédé à sa suppression en 1963 après l’épisode sombre de décembre 1962 opposant Dia à Léopold Sédar Senghor. Ce dernier ne le rétablit qu’avec la révision constitutionnelle de 1970 avec la nomination d’Abdou Diouf.

Pour des raisons politiques, le poste de PM connaitra une instabilité, puisque valsant entre suppression et restauration sous le président Abdou Diouf. Après sa victoire lors de l’élection présidentielle de 1983, le président Diouf procède à sa suppression, et se met en exergue comme le principal patron du régime. Compte tenu de la façon dont il a hérité le pouvoir de Senghor, et qui remettait en cause sa légitimité, le deuxième Président de la République entendait par cette mesure renforcer son autorité et asseoir davantage sa légitimité en tant que Chef de l’Etat. Le poste restera ainsi vacant pendant plus de 8 ans et ne sera restauré qu’en 1991. C’est donc clair que la suppression du 4 mai 2019, intervenue sous Macky Sall, n’a rien d’inédit et comme les autres avant elle, obéit à des logiques purement politiques.

Les profiles dominant pour ce poste

Même s’il est difficile de dire avec exactitude ce que le décret de nomination du PM nous réservera, il y a des faits qui ne peuvent laisser personne indifférent. Lesdits faits portent toujours des noms ou en font toujours référence, et peuvent être indicatifs pour le futur occupant du poste de Chef de gouvernement. Un bref short-list peut être dressé à cet effet sur les profiles les plus intéressants à ce poste.

Amadou Ba sur orbite

Son absence sur la liste des investitures, notamment pour ce qui est de la course pour la mairie de Dakar, a fait jaser. Mais pas de son côté. Sa position interpelle évidemment et est sujette à beaucoup de lectures. Non seulement l’ancien ministre des Affaires étrangères n’a pas été investi pour la mairie de la capitale, il ne l’a pas été non plus pour son fief des Parcelles Assainies qui représente le plus grand électorat du département de Dakar. Sa notoriété et son charisme auraient pu au moins le faire sortir de ses gonds, mais que nenni. Ba a préféré être loyal, mais tout son comportement ne peut pas être justifié que par la loyauté. En faisant de lui le coordonnateur national de l’Alliance pour la République, parti au pouvoir, le président Sall a donné des gages à cet homme qui se réclamait jadis- et se réclame peut-être toujours- patron de Dakar. Et puis, ses passages à des ministères d’influence tels que les finances puis les Affaires étrangères font de lui un candidat extrêmement sérieux à ce poste. Il a l’influence, le charisme et l’expérience requises que ce soit pour défendre le président Sall au cas où il tente un 3e mandat, ou pour diriger le parti présidentiel en cas de non participation de ce dernier.

Abdoulaye Daouda Diallo, sur les traces de Loum, Soumaré, ou Macky Sall?

Au vu de son parcours qui a été une succession de promotions, le ministre Abdoulaye Daouda Diallo présenterait aussi des aouts d’un « premier-ministrable ». Son passage au ministère de l’intérieur reste gravé dans la mémoire des Sénégalais du fait des décisions très à l’avantage du régime en place. Grand artisans du fiasco connu lors du scrutin des législatives de 2017, Diallo a pourtant été promu au poste clé des finances là où d’autres ont été tout simplement sabrés. Sa disponibilité à faire le travail attendu de lui par le Président de la République ne fait point de doute, et si son mentor décide d’être candidat pour 2024, il tiendrait là un bon profile prêt à aller aux charbons. De plus, l’histoire de notre pays a souvent propulsé des personnalités à partir des postes des finances ou de l’Intérieur vers la Primature. Si Hadjibou Soumaré, Amadou Lamine Loum, Macky Sall, ont pu faire cette transition d’un ministère d’influence à la Primature, pourquoi pas Abdoulaye Daouda Diallo qui a eu le privilège de pratiquer les deux ministères en question.

Aminata Touré, retour aux affaires

Femme battante, Aminata Touré a autant de qualités à faire valoir que ses camarades cités ici. Elle est d’autant plus un profil intéressant que sa dernière sortie peut laisser des idées aux observateurs. Alors qu’elle a choisi de se ranger derrière le choix par le Président de la République de Ndiaye Rahma comme candidat à la mairie de Kaolack, siège qu’elle a toujours voulu convoiter, l’ex Première ministre a pris la parole la semaine écoulée pour s’attaquer à la coalition rivale « Yewwi Askan Wi ». Cette Aminata Touré tranche nettement avec celle amère, colérique et frustrée, lors de son éviction du Conseil économique social et environnemental il y a un peu plus d’un an. Mimi, comme l’appellent affectueusement ses sympathisants, peut se targuer d’une expérience difficilement égalable pour avoir occupé d’intéressants postes tels celui de Garde des Sceaux et la Primature même. En dehors de cela, elle est femme battante et va au charbon quand le besoin se fait sentir pour défendre son mentor. Si Macky Sall veut réellement se présenter en 2024, celle qui avait réussi à justifier et vendre la traque des biens mal acquis en 2013 est un bon profil. Le meilleur profil, aura-t-on envie de dire.

Mamadou Makhtar Cissé, pour finir le mandat en beauté

Son choix donnerait beaucoup d’espoirs quant à la fin du (dernier?) mandat de Macky Sall à la tête du pays. Son ascension, des douanes au ministère de l’Energie en passant par la direction de la Sénélec, laisse présager ses bonnes qualités de leader. Cependant, contrairement à l’essentiel des membres du gouvernement, Mamadou Makhtar Cissé n’est pas forcément un politicien. Alors son choix indiquerait une orientation très claire du Chef de l’Etat par rapport à l’épineuse question de la 3e candidature. S’il devait advenir, cela prouverait tout simplement que Macky Sall veut terminer son mandat en beauté et non se consacrer à une bataille politico-médiatique pour vendre une cause déjà perdue. De ce point de vue, Cissé est un bon profile pour le Commandant-en-chef de se concentrer sur les chantiers à finir, son expérience et ses résultats dans ses fonctions antérieurs en attestent. Et depuis qu’il a été défénestré en novembre 2020, son silence semble être moins une résignation de la chose politique qu’une préparation à une collaboration plus franche avec le Chef de l’Etat.