Face à la main basse des pays riches sur les vaccins contre le coronavirus, Amnesty International a appelé mercredi 7 avril la communauté internationale à corriger le tir « immédiatement », s’inquiétant des conséquences de l’échec de la capacité du monde à coopérer.

Dans son rapport 2020/2021, l’ONG de défense des droits humains dresse un bilan sévère d’une année chamboulée par la pandémie de Covid-19 : « chacun pour soi » généralisé pénalisant les plus fragiles et aggravant les inégalités mais aussi accentuation de la répression dans certains pays sous des motifs sanitaires.

« La pandémie a jeté une lumière crue sur l’incapacité du monde à coopérer de manière efficace et équitable », a souligné en préambule la Française Agnès Callamard, nommée fin mars secrétaire générale de l’organisation. « Les pays les plus riches ont établi un quasi-monopole sur les approvisionnements en vaccins dans le monde, laissant les pays avec le moins de ressources confrontés aux pires conséquences en matière de santé et de droits humains, et donc aux perturbations économiques et sociales les plus longues », a-t-elle ajouté.

Amnesty appelle donc à « œuvrer immédiatement pour accélérer la production et la livraison de vaccins pour tous » : « c’est le test le plus fondamental, même rudimentaire, de la capacité du monde à coopérer ».

Les inégalités se creusent

Plus d’un an après l’apparition du coronavirus en Chine fin 2019, le monde reste à la peine face à la pandémie, qui a fait au moins 2,8 millions de morts et a contaminé officiellement quelque 130 millions de personnes. Loin d’avoir déclenché un élan de solidarité, le coronavirus a accru les tensions et l’écart se creuse en matière de vaccination, considérée comme une porte de sortie à la crise.

La moitié des quelque 680 millions de doses administrées dans le monde l’ont été dans des pays à « revenu élevé » au sens de la Banque mondiale (16 % de la population mondiale), tandis que les pays à « faible revenu » (9 % de l’humanité) ne concentrent que 0,1 % des doses injectées, selon un comptage réalisé mardi par l’AFP à partir de données officielles.

Amnesty International soutient des initiatives comme la plateforme d’échange (C-TAP) mise sur pied par l’OMS pour partager du savoir-faire, de la propriété intellectuelle et des données. Encore sous-utilisée, elle permettrait notamment de trouver des nouvelles capacités de production et aider à construire des sites de production supplémentaires, en particulier en Afrique, en Asie et en Amérique latine, selon l’agence onusienne.

Liberté d’expression réduite

Au-delà de l’inégalité vaccinale, Amnesty voit comme autant d’autres preuves du chacun pour soi « l’irresponsabilité grave » de la Chine, qui a tenté de censurer les soignants et journalistes sonnant l’alarme au début de la pandémie, la décision du président américain Donald Trump de retirer en pleine crise son pays de l’OMS, annulée depuis par son successeur Joe Biden, ou des « demi-mesures » comme la suspension partielle par le G20 du service de la dette des pays les plus pauvres.